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« En 2014, l’entretien professionnel est apparu dans le paysage RH. En 2020, c’est l’heure de « faire les comptes ». Chaque salarié doit avoir bénéficié de trois entretiens depuis cette date. Quelles sont les formalités à respecter ? Mais surtout, comment orchestrer les entretiens professionnels pour qu’ils soient un vecteur de réussite, pour le collaborateur et l’entreprise toute entière. Christine Boulay, consultante en Ressources Humaines et experte en Développement des compétences chez APTITUDES RH fait le point : quelles sont les modalités d’organisation de l’entretien professionnel ? Quelles bonnes pratiques managériales mettre en œuvre pour en faire un axe de développement RH ?

1- Cadre légal de l’entretien professionnel : où en sommes-nous ?

Les entreprises de plus de 50 salariés… et toutes les autres. Toutes les entreprises ont l’obligation de faire passer des entretiens professionnels tous les deux ans et de former chaque collaborateur au moins une fois tous les 6 ans. Qu’est-ce qui change selon la taille de l’entreprise ? Des sanctions sont prévues dans la loi pour les entreprises de plus de 50 salariés qui ne répondent pas à cette obligation. Elles prennent la forme d’un abondement au CPF d’un montant de 3 000 € pour chaque salarié non rempli de ses droits. Ce n’est pas parce que les sanctions ne sont pas prévues pour les entreprises de moins de 50 salariés que l’obligation n’existe pas. Et encore une fois, il faut voir l’entretien professionnel comme une opportunité conjointe pour les collaborateurs et l’entreprise. Prendre le temps de se poser, de se parler et de se projeter n’est pas un luxe ou une contrainte technocratique, c’est une voie de transformation de l’entreprise.

Les dates clés : 7 mars 2020 et 31 décembre 2020. En 2020, deux régimes de l’entretien du bilan récapitulatif tous les 6 ans se chevauchent, issus des lois du 5 mars 2014 et du 5 septembre 2018. Ce qu’il faut retenir, c’est que d’ici le 31 décembre 2020, chaque employeur devra pouvoir faire état des comptes-rendus des 3 entretiens menés sur les 6 dernières années et des actions de développement professionnel mises en place.

Des entretiens professionnels « en plus ». Un salarié doit bénéficier d’un entretien professionnel spécifique pour accompagner un retour après une absence de longue durée. C’est le cas pour les retours de congé maternité, de congé d’adoption, de congé parental, de congé de proche aidant ou encore de mandat syndical. Depuis la loi du 5 septembre 2018, le salarié peut solliciter cet entretien professionnel spécifique avant de revenir dans l’entreprise afin d’évoquer les conditions de son retour et les possibilités qui sont offertes.

2- Le formalisme de l’entretien professionnel est exigé, mais sans faire de zèle

Garder une trace des entretiens professionnels. En matière de formalisation de l’entretien professionnel, le bon sens est requis. L’entretien doit donner lieu à un compte-rendu des échanges, transmis au collaborateur. Le document peut être édité au format numérique et/ou imprimé. Le format, papier ou digital, doit s’adapter aux usages des collaborateurs. Dans les deux cas, il est obligatoire que le document soit signé des deux parties.

Un entretien par an : la fausse bonne idée. Certaines entreprises ont imaginé qu’un entretien professionnel pouvait être organisé tous les ans. Ce serait perdre l’esprit de l’entretien professionnel qui vise à se projeter sur le moyen et long terme. De plus, cette périodicité rapprocherait l’entretien professionnel de l’entretien d’évaluation. Bien que non obligatoires ni encadrés, les entretiens d’évaluation sont généralement menés tous les ans. Il est conseillé de réaliser les deux types d’entretiens à des dates différentes et avec une méthodologie adaptée aux deux finalités distinctes.

3- L’entretien professionnel est au service du développement des compétences

L’entretien professionnel et la formation forment un duo. Un entretien professionnel tous les ans qui dresserait une liste de souhaits sans qu’aucune concrétisation ne se passe derrière, n’apporterait pas grand-chose, ni au collaborateur, ni à l’entreprise. C’est la raison pour laquelle le rythme de l’entretien professionnel tous les deux ans est associé au bilan récapitulatif tous les 6 ans. Ce dernier permet de s’assurer que chaque collaborateur a bien été accompagné dans son développement professionnel, et notamment par la voie de la formation.

Le plan de développement des compétences au centre du jeu. Identifier les besoins d’évolution de compétences exprimés par le collaborateur et/ou le manager permet de construire, et même de co-construire le plan de développement de compétences. L’entretien professionnel est véritablement une porte d’entrée vers une stratégie de formation et une Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences alignées sur les objectifs de développement de l’entreprise comme du collaborateur.

Zoom sur les formations « obligatoires » et « non obligatoires ». L’employeur a l’obligation de former chaque salarié, mais depuis le 5 septembre 2018, il ne doit pas s’agir d’une formation dite « obligatoire ». Ces dernières conditionnent l’exercice d’une activité ou d’une fonction, en application d’une convention internationale ou de dispositions légales et règlementaires. C’est le cas de nombreuses habilitations par exemple. Les autres formations sont dites « non obligatoires ». Elles visent à adapter les salariés à leur poste de travail et à maintenir « leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations ».

Un champ large de formation. L’action de formation peut désormais prendre des formes plus variées depuis la loi du 5 septembre 2018. Il peut s’agir notamment d’une AFEST (Action de formation en situation de travail), de coaching ou encore de participation à des séminaires ou événements professionnels.

Un co-investissement entre l’entreprise et le salarié. L’action de formation peut être entièrement assumée par l’entreprise, c’est-à-dire que cette dernière prend en charge les frais pédagogiques et le salarié se forme sur son temps de travail. Dans ce dernier cas, la formation peut être financée par le compte personnel de formation du collaborateur, avec ou sans abondement de l’entreprise. Autre cas, la participation de l’entreprise peut se limiter au coût pédagogique de la formation et le salarié se forme en dehors temps de travail.

4- Entretien professionnel et managers : les bonnes pratiques à mettre en œuvre

Qui mène l’entretien ? C’est une question stratégique. Il peut s’avérer difficile pour un manager de proximité de s’extraire des missions opérationnelles en cours. Sa préoccupation principale est de faire tourner le service, tout de suite maintenant. Ce qui s’est passé les dernières semaines ou les derniers jours peut prendre le dessus sur le fait de se projeter. La participation d’un professionnel RH ou du manager n+2 est fortement recommandée pour faciliter des échanges avec une réelle prise de recul.

Comment former les managers à l’entretien ? Quitter sa casquette de manager opérationnel n’est pas simple. Les managers doivent être accompagnés pour créer l’opportunité d’un vrai partenariat de long terme entre le collaborateur et l’entreprise. L’entreprise au sens large, au-delà de l’équipe actuelle. Des projets de développement des compétences peuvent justement avoir pour objectif d’évoluer vers de nouvelles fonctions ou un poste dans un autre service. Les managers doivent également être informés régulièrement par le service RH sur la démarche de GPEC (Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences) pour identifier quelles sont les nouvelles compétences qui seront nécessaires au développement de l’entreprise.
Comment se préparer à l’entretien ? Reprendre les supports des entretiens précédents est incontournable, que la personne ait ou non récemment changé d’équipe ou de poste. Le collaborateur doit également être invité à le faire. Un récapitulatif des dernières formations suivies, des changements de poste et des progressions professionnelles dans l’entreprise permet de disposer une base d’informations commune.

Quel outil pour mener l’entretien ? Le service RH peut fournir une grille qui serve d’outil de conduite de l’entretien. Il en structure le déroulé, en mixant des questions ouvertes et des questions fermées, des questions larges ou plus précises. Une certaine uniformité du cadre est recommandée dans l’entreprise afin que certains n’aient pas l’impression d’avoir bénéficié d’un entretien trop « rapide », ou pour d’autres, que le manager ait trop parlé.

5- L’entretien professionnel ouvre des perspectives à moyen et long terme

Formation : les attentes du collaborateur et celles de l’entreprise. L’entretien professionnel est LE moment pour le collaborateur d’exprimer ses souhaits de formation et pour le manager de suggérer des parcours de développement de compétences. Les métiers se renouvellent en permanence du fait des évolutions technologiques et sociétales. Selon les niveaux et les populations, des briques du Socle de connaissances et de compétences (CléA) peuvent être présentées comme des parcours à suivre, à cette occasion.

Un développement professionnel dans ou en dehors de l’entreprise. L’entretien peut faire (ré)émerger des talents du collaborateur qui ne sont pas actuellement mis en œuvre dans le poste qu’il occupe. Une poursuite du parcours professionnel en dehors de l’entreprise peut aussi être évoquée. L’un des aspects de l’entretien professionnel est aussi l’occasion d’échanger sur les dispositifs d’accompagnement individuel en dehors de l’entreprise comme le Conseil en évolution professionnelle ou le CPF de transition. »

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